Bruxelles n'a pas besoin d'une réforme de l'État, mais d'une relation saine avec la Périphérie
Le brillant constitutionnaliste Quinten Jacobs dissèque la crise politique bruxelloise et belge dans Bruzz (18/10/25), à l'occasion de son récent livre. Il plaide pour une Belgique à quatre Régions. Adieu donc aux communautés et à la complexité de notre modèle. Il veut résoudre l'impasse budgétaire fédérale en déshabillant davantage la Belgique et en transférant également les soins de santé aux régions. Comme nous l'avons déjà fait avec les allocations familiales.
Je ne sais pas s'il existe un autre pays où les spécialistes du droit constitutionnel sont aussi connus et aussi souvent consultés qu'en Belgique. Mais pour chaque problème dans notre pays, nous avons toujours une réforme institutionnelle prête.
Par exemple : il y a quelques semaines, la N-VA a répété sa position selon laquelle un refinancement de Bruxelles n'est pas nécessaire. Il suffit d'attribuer l'impôt des sociétés aux régions. C'est jackpot pour Bruxelles. Continuer à scinder et tout ira bien.
Quand le renard prêche la passion, fermier attention à tes poules
Bruxelles est aujourd'hui confrontée à de graves problèmes budgétaires. Également à des problèmes de gouvernance, bien sûr. Mais le sous-financement structurel en est en partie la cause. Le pot est trop petit pour supporter à la fois les investissements dans les transports publics et les besoins en logement, par exemple. Bruxelles doit en plus assumer elle-même de nombreux problèmes métropolitains qui relèvent de la responsabilité fédérale (réfugiés, criminalité des gangs, drogues). Je ne parle même pas d'un métro qui, compte tenu de sa capacité (le métro transporte quotidiennement presque autant de personnes que l'ensemble de la SNCB), est en fait crucial pour l'économie belge.
La mauvaise gestion, le clientélisme et le populisme qui prennent le dessus sur une bonne politique budgétaire n'y sont pas étrangers. Un excédent primaire — le minimum pour retrouver un équilibre — est devenu quasi impossible en raison des nombreux besoins. Pourtant, selon les études de la Banque nationale de Belgique, Bruxelles est un financeur net de la caisse fédérale, grâce à la contribution élevée de l'impôt des sociétés et au coût relativement plus faible des pensions et des soins de santé. Bruxelles a une population jeune et donc des coûts de pensions et de soins de santé plus faibles. Une ville riche avec une population pauvre. Mais elle assume elle-même la pauvreté. Sa richesse s'écoule vers la périphérie.
"Ce petit pays et notre ville périssent d'institutionnalite" par Johan Basiliades
Transférer l'impôt des sociétés et les soins de santé aux régions semble alors être la solution. Semble ! Mais ce n'est pas du tout le cas. Les frontières administratives de la ville sont peut-être fixes. La ville elle-même ne l'est pas. L'activité économique de la ville s'étend également très rapidement, dans la très large périphérie, dans toute la Brussels Metropolitan Region. Bruxelles est une ville prospère pour les start-ups. Mais une fois arrivées à maturité, Bruxelles ne peut pas rivaliser avec la périphérie en termes de besoins d'expansion des scale-ups. Avec le transfert de l'impôt des sociétés, Bruxelles gagne au mieux du temps. Cet avantage aussi fondra, si toutes les autres choses restent égales (ceteris paribus, dans la langue de Bart De Wever).
Ce dont Bruxelles a besoin aujourd'hui, c'est d'une relation saine avec cette large périphérie. Un fonds communal métropolitain pour la solidarité et les investissements au sein de la zone économique réelle. Une concertation sur les avantages et les charges entre la périphérie et la ville. Une répartition claire des tâches avec les compensations financières nécessaires : si l'une soutient les start-ups, l'autre reprend les scale-ups ; si l'une active et intègre les demandeurs d'emploi et les nouveaux arrivants, l'autre les accueille lorsqu'ils évoluent vers une classe moyenne à la recherche d'un logement abordable. La ville émancipe, le pays prospère.
Que cela nécessite la participation de cette périphérie est évident. Que les équilibres linguistiques doivent être respectés, également. Cette périphérie craint à juste titre cette tache d'huile. Mais admettez-le : l'enseignement néerlandophone assure un afflux de Bruxellois parlant néerlandais dans la périphérie. Nous ne sommes plus dans les années 70 et 80. Notre langue n'est plus menacée, elle prospère. Nous ne devons plus scinder.
Il est donc temps de trouver d'autres réponses avec lesquelles les spécialistes du droit constitutionnel sont moins familiers.